Terrible bilan des actions de la Seleka Plus de 400 meurtres commis
Terrible bilan des actions de la Seleka Plus de 400 meurtres commis
DES TERRORISTES 

Plus de 400 meurtres commis en près de quatre mois au pouvoir, c'est le terrible bilan des actions de la Seleka selon la Fédération internationale des droits de l'homme ( FIDH) qui vient d'effectuer une mission entre le 4 et le 13 juillet en Centrafrique. Son constat est sans appel. Elle parle d'un pays «entre les mains criminelles de la Seleka ». Eric Plouvier, chargé de mission à la FIDH et avocat au barreau de Paris, était de ce voyage. Il est l'invit

é de Cyril Bensimon.  

RFI:  Eric Plouvier bonjour, comment en êtes vous arrivé à ce bilan de 400 meurtres commis par la Seleka depuis son accession au pouvoir ? 

Eric Plouvier : Ce chiffre est fondé sur des sources hospitalières, donc les hôpitaux de Bangui, l’hôpital de l’Amitié et l’hôpital communautaire, et d’autres organisations. C’est la considération des nombreux crimes par les éléments de la Seleka qui nous induit à déterminer ce chiffre.

Quels ont été les éléments les plus graves que vous avez pu noter sur place ?

De visu, dans les hôpitaux, il y a encore des gens qui sont sérieusement blessés. Ils souffrent de polytraumatisme à la suite de coups de feux qu’ils ont reçu de la part d’éléments incontrôlés de la Seleka. On en a vu aussi en province, puisque nous nous sommes rendus à Kaga-Bandoro et à Mbré, c’est-à-dire à environ une centaine de kilomètres de Bangui, où règne l'anarchie et où une absence de pouvoir de l'Etat, mais aussi où les citoyens centrafricains sont terrorisés par la présence d’éléments Seleka. Ils sont en brousse en brousse à cinq ou six kilomètres de leur village, des villages qui ont été incendiés par la Seleka au mois d’avril, et n’osent pas revenir.

La situation anarchique dans laquelle se trouve le pays se caractérise par une absence de force publique capable d'assurer la sécurité des personnes et des biens. Les éléments de la Fomac, donc de la force multinationale présente, sont notoirement insuffisants. Il y a environ 1000 hommes à Bangui et en province et il faut rappeler que la Centrafrique est tout de même grande comme la France et la Belgique réunies, qu’en province il y a 3 divisions de Seleka et qu’ils ne patrouillent qu’à 20 kilomètres autour de ces villes. Ce qui veut dire que l’immense majorité du territoire reste sous l’emprise de ces petits seigneurs de la guerre qui s'érigent en colonels, en généraux, dont on ne connaît pas très bien ni l'origine ni le financement - sinon le financement par le racket et l'intimidation. La situation est extrêmement préoccupante pour la sécurité des Centrafricains.

Est-ce que les autorités vous semblent avoir pris la mesure de cette situation et avoir posé des actes de nature à ramener un peu de sécurité ?

Alors d’abord il faut savoir de quelle autorité on parle parce que la situation reste encore confuse. Le président autoproclamé n’est pas reconnu par la communauté internationale, donc cette autorité aurait aujourd’hui une partie du pouvoir, mais pourrait ne pas l’avoir complètement du fait du fractionnement des rebelles.

Il y a aussi la Fomac, il y a le Premier ministre de l’opposition démocratique, Nicolas Tyangaye. Donc cette anarchie est supervisée par de multiples autorités avec une coordination qui est à définir et qui ne me paraît pas du tout acquise. Ni entre le premier ministre et celui qui se dit chef de l’Etat, ni même dans les éléments de la Seleka qui paraissent répondre, eux-mêmes, à leurs propres généraux plutôt qu’au commandement en chef.

Alors il est vrai qu’il y a eu une décision importante prise de tentative de désarmement des Seleka et d’associer des patrouilles qui seraient mixtes, à la fois d’éléments de la Fomac et d’éléments de la Seleka. C’est une mesure qui va dans le bon sens sauf que, concrètement, dans Bangui on voit encore des pick-ups, c’était le cas la semaine dernière, avec des enfants-soldats. Et s' il y a un désarmement dans Bangui, ça ne concerne bien évidemment pas l’ensemble du territoire.

Est-ce que les crimes que vous avez recensé, vous parlez de plus de 400 meurtres commis sur les quatre derniers mois, ont fait l’objet de poursuites ?

A la connaissance de la FIDH, et nous avons bien entendu été aussi au tribunal de Bangui où nous avons rencontré le procureur de la République qui paraissait plus soucieux de s'intéresser -et on le comprend d'une certaine manière- à la situation du général rebelle, M. Daffhane prisonnier du président Djotodia, qu'au reste de la situation. Ce procureur nous a affirmé que 16 mandats de dépôts auraient été pris. Nous sommes allés dans divers centres de privation de liberté où il est vrai qu'il existe des personnes privées de liberté dans des conditions qui ne sont pas toutes légales à mes yeux mais je pense que, comme il y a dix ans lors du précédent coup d’état, l’Etat centrafricain et l’appareil judiciaire et policier sont notoirement incapables de poursuivre et de réprimer les infractions qui ont été commises. Cela pose effectivement une difficulté, qui s’ajoute à celle de la sécurité, c'est qu'il n'y a pas de justice non plus. Les caisses de l’Etat sont vides, les structures judiciaires sont inexistantes et c’est toute la difficulté que rencontre la Centrafrique qui est dans un état d’isolement criant aujourd’hui.

La Fomac a gonflé ses effectifs, ils sont environ 1200 aujourd’hui, est-ce que cela vous paraît suffisant et est-ce qu’elle a le mandat suffisant pour tenter de ramener un petit peu de paix dans le pays ?

D’abord je pense que les effectifs sont très insuffisants, imaginez 1200 hommes chargés d’assurer la sécurité pour un territoire, encore une fois, grand comme la France et la Belgique, on ne peut pas y penser un instant. Il faut que la Fomac, qui est une force internationale, puisse sérieusement avoir, et un mandat, et un nombre d’hommes, et un financement de nature à assurer réellement la paix en Centrafrique, sinon les plus grands risques existent pour l’avenir. Si la communauté internationale ne se décide pas rapidement à donner un coup de main à ce pays qui est dans une situation assez désespérante, on peut craindre une nouvelle vague nouvelle de criminalité, de nouvelles victimes et une instabilité qui peut ne pas toucher seulement la Centrafrique. Donc la communauté internationale, qu’elle soit africaine ou onusienne, a le devoir de prendre des mesures qui s’imposent pour rétablir la paix dans ce pays.

SOURCE: http://www.rfi.fr/afrique/20130719-eric-plouvier-fidh-meurtres-seleka-rca-daffhane 

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